#1 PPR - appelant à faire de la lutte contre les violences pornographiques une priorité de politique
- aborchio-fontimp
- 6 févr. 2023
- 8 min de lecture
PRÉSENTÉE
Par Mmes Annick BILLON, Alexandra BORCHIO FONTIMP, Laurence COHEN, Laurence ROSSIGNOL, Éliane ASSASSI, MM. Patrick KANNER, Claude MALHURET, Hervé MARSEILLE, François PATRIAT, Jean-Claude REQUIER, Bruno RETAILLEAU, Mmes Cathy APOURCEAU-POLY, Viviane ARTIGALAS, Catherine BELRHITI, Esther BENBASSA, Martine BERTHET, Christine BONFANTI-DOSSAT, Céline BOULAY-ESPÉRONNIER, Toine BOURRAT, Valérie BOYER, Isabelle BRIQUET, Céline BRULIN, Agnès CANAYER, Marie-Arlette CARLOTTI, Maryse CARRÈRE, Samantha CAZEBONNE, Anne CHAIN-LARCHÉ, Marie-Christine CHAUVIN, Marta de CIDRAC, Catherine CONCONNE, Hélène CONWAY-MOURET, Cécile CUKIERMAN, Laure DARCOS, Véronique DEL FABRO, Nathalie DELATTRE, Annie DELMONT-KOROPOULIS, Patricia DEMAS, Catherine DEROCHE, Chantal DESEYNE, Brigitte DEVÉSA, Catherine DI FOLCO, Nassimah DINDAR, Élisabeth DOINEAU, Sabine DREXLER, Catherine DUMAS, Françoise DUMONT, Nicole DURANTON, Dominique ESTROSI SASSONE, Jacqueline EUSTACHE-BRINIO, Françoise FÉRAT, Martine FILLEUL, Amel GACQUERRE, Laurence GARNIER, Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, Françoise GATEL, Frédérique GERBAUD, Béatrice GOSSELIN, Nathalie GOULET, Michelle GRÉAUME, Pascale GRUNY, Jocelyne GUIDEZ, Véronique GUILLOTIN, Laurence HARRIBEY, Nadège HAVET, Christine HERZOG, Corinne IMBERT, Annick JACQUEMET, Micheline JACQUES, Victoire JASMIN, Else JOSEPH, Marie-Pierre de LA GONTRIE, Sonia de LA PROVÔTÉ, Florence LASSARADE, Christine LAVARDE, Annie LE HOUEROU, Valérie LÉTARD, Brigitte LHERBIER, Marie-Noëlle LIENEMANN, Anne-Catherine LOISIER, Vivette LOPEZ, Monique LUBIN, Viviane MALET, Monique de MARCO, Colette MÉLOT, Marie MERCIER, Michelle MEUNIER, Brigitte MICOULEAU, Marie-Pierre MONIER, Catherine MORIN-DESAILLY, Laurence MULLER-BRONN, Sylviane NOËL, Guylène PANTEL, Vanina PAOLI-GAGIN, Évelyne PERROT, Kristina PLUCHET, Émilienne POUMIROL, Angèle PRÉVILLE, Sophie PRIMAS, Frédérique PUISSAT, Daphné RACT-MADOUX, Isabelle RAIMOND-PAVERO, Marie-Pierre RICHER, Sylvie ROBERT, Denise SAINT-PÉ, Elsa SCHALCK, Patricia SCHILLINGER, Nadia SOLLOGOUB, Lana TETUANUI, Claudine THOMAS, Sabine VAN HEGHE, Marie-Claude VARAILLAS, Anne VENTALON, Dominique VÉRIEN, Sylvie VERMEILLET, MM. Pascal ALLIZARD, Jean-Claude ANGLARS, Maurice ANTISTE, Jean-Michel ARNAUD, Stéphane ARTANO, Serge BABARY, Jean BACCI, Jérémy BACCHI, Jérôme BASCHER, Arnaud BAZIN, Arnaud de BELENET, Bruno BELIN, Guy BENARROCHE, Christian BILHAC, Éric BOCQUET, François BONHOMME, François BONNEAU, Philippe BONNECARRÈRE, Michel BONNUS, Gilbert BOUCHET, Yves BOULOUX, Hussein BOURGI, Max BRISSON, Bernard BUIS, Laurent BURGOA, Henri CABANEL, Alain CADEC, Olivier CADIC, Christian CAMBON, Michel CANÉVET, Vincent CAPO-CANELLAS, Alain CAZABONNE, Pierre CHARON, Daniel CHASSEING, Guillaume CHEVROLLIER, Olivier CIGOLOTTI, Édouard COURTIAL, Thierry COZIC, Mathieu DARNAUD, Vincent DELAHAYE, Bernard DELCROS, Stéphane DEMILLY, Yves DÉTRAIGNE, Gilbert-Luc DEVINAZ, Alain DUFFOURG, Jérôme DURAIN, Gilbert FAVREAU, Bernard FIALAIRE, Jean-Luc FICHET, Philippe FOLLIOT, Bernard FOURNIER, Christophe-André FRASSA, Fabien GAY, Fabien GENET, Hervé GILLÉ, Éric GOLD, Guillaume GONTARD, Jean-Pierre GRAND, Jean-Noël GUÉRINI, Joël GUERRIAU, Olivier HENNO, Loïc HERVÉ, Jean HINGRAY, Jean-Michel HOULLEGATTE, Xavier IACOVELLI, Jean-Marie JANSSENS, Patrice JOLY, Alain JOYANDET, Roger KAROUTCHI, Claude KERN, Éric KERROUCHE, Christian KLINGER, Laurent LAFON, Jean-Louis LAGOURGUE, Gérard LAHELLEC, Marc LAMÉNIE, Michel LAUGIER, Daniel LAURENT, Pierre LAURENT, Ronan LE GLEUT, Jacques LE NAY, Antoine LEFÈVRE, Dominique de LEGGE, Henri LEROY, Pierre-Antoine LEVI, Martin LÉVRIER, Jean-François LONGEOT, Pierre LOUAULT, Jean-Jacques LOZACH, Victorin LUREL, Didier MANDELLI, Didier MARIE, Pascal MARTIN, Hervé MAUREY, Pierre MÉDEVIELLE, Thierry MEIGNEN, Franck MENONVILLE, Jean-Marie MIZZON, Jean-Pierre MOGA, Thani MOHAMED SOILIHI, Philippe MOUILLER, Louis-Jean de NICOLAŸ, Pierre OUZOULIAS, Olivier PACCAUD, Philippe PAUL, Cyril PELLEVAT, Cédric PERRIN, Stéphane PIEDNOIR, Gérard POADJA, Rémy POINTEREAU, Jean-Paul PRINCE, Jean-François RAPIN, Stéphane RAVIER, Claude RAYNAL, Damien REGNARD, Olivier RIETMANN, Jean-Yves ROUX, Daniel SALMON, Hugues SAURY, Stéphane SAUTAREL, René-Paul SAVARY, Michel SAVIN, Pascal SAVOLDELLI, Vincent SEGOUIN, Bruno SIDO, Laurent SOMON, Jean-Pierre SUEUR, Philippe TABAROT, Jean-Marc TODESCHINI, Mickaël VALLET, Jean-Marie VANLERENBERGHE, Yannick VAUGRENARD, Pierre-Jean VERZELEN, Cédric VIAL et Dany WATTEBLED,
Sénatrices et Sénateurs
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis le milieu des années 2000, la production, la diffusion et la consommation de contenus pornographiques se sont massifiées et banalisées, générant plus d’un quart du trafic mondial de vidéos en ligne. Des plateformes de partage de contenus en ligne, les messageries privées et réseaux sociaux sont également devenus les nouveaux vecteurs de diffusion de contenus à caractère sexuel.
Parallèlement, les contenus proposés aux consommateurs de pornographie sont de plus en plus violents et extrêmes, sans aucun contrôle ni considération pour les conditions dans lesquelles ils sont produits.
L’industrie mondialisée de la pornographie repose essentiellement sur des multinationales souvent basées dans des paradis fiscaux et génère plusieurs milliards d’euros de profits chaque année, dans des conditions souvent opaques. Elle a fait de l’exploitation et de la marchandisation du corps et de la sexualité des femmes un business à l’échelle internationale. Elle se distingue en effet de l’érotisme et du cinéma par l’exploitation commerciale de pratiques sexuelles non simulées.
En outre, la porosité entre industrie pornographique, proxénétisme et prostitution est aujourd’hui avérée.
Il est donc indispensable de prendre conscience de ce changement de paradigme et d’appréhender la pornographie comme une industrie qui contribue à banaliser socialement les actes sexuels violents envers les femmes et à ériger en norme ces violences systémiques.
Il faut également s’alarmer de l’accès facilité, démultiplié et massif des mineurs et jeunes adultes à des contenus pornographiques violents et toxiques. La pornographie, y compris celle qui délivre les contenus les plus extrêmes, est accessible gratuitement, depuis un ordinateur ou un terminal mobile, en quelques clics. Deux tiers des enfants de moins de 15 ans et un tiers de ceux de moins de 12 ans ont déjà été exposés, volontairement ou involontairement, à des images pornographiques. Chaque mois, près d’un tiers des garçons de moins de 15 ans se rend sur un site pornographique. C’est donc en violation totale du code pénal que les mineurs sont aujourd’hui massivement exposés à ces images.
Les conséquences sont multiples : traumatismes, troubles du sommeil, de l’attention et de l’alimentation, vision déformée et violente de la sexualité, difficultés à nouer des relations avec des personnes du sexe opposé, (hyper) sexualisation précoce, développement de conduites à risques ou violentes, etc. Elles ne se limitent pas au seul public mineur : la pornographie a un impact sur les adultes, leurs représentations d’eux-mêmes, des femmes et de la sexualité.
Pour la première fois en France, des violences commises dans un contexte de pornographie sur des femmes victimes de graves maltraitances sexuelles, physiques et psychologiques, perpétrées par des professionnels de l’industrie pornographique, font aujourd’hui l’objet de nombreuses mises en examen, pour viol, viol aggravé, complicité de viol avec acte de torture et de barbarie, traite des êtres humains aux fins de viol, proxénétisme…
La présente résolution invite le Gouvernement à faire de la lutte contre les violences commises par et dans l’industrie pornographique une priorité de politique publique. Cette priorité doit se traduire par des moyens d’enquête importants, adaptés et nouveaux. L’omerta qui pèse sur les violences commises dans un contexte de pornographie doit cesser.
Tel est le sens de la présente proposition de résolution, qui s’appuie sur les travaux menés par la délégation aux droits des femmes du Sénat et qui ont donné lieu à la publication d’un rapport intitulé « Porno : l’enfer du décor »
- Proposition de résolution appelant à faire de la lutte contre les violences pornographiques une priorité de politique publique -
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu le chapitre XVI du Règlement du Sénat,
Vu la résolution du Parlement européen du 17 décembre 1993 sur la pornographie,
Vu la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil,
Vu les articles 225-4-1, 225-5, 227-23 et 227-24 du code pénal,
Vu les articles L. 312-16 à L. 312-17-2 du code de l’éducation relatifs à l’éducation à la santé et à la sexualité,
Vu la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées,
Vu la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales,
Vu la loi n° 2022-300 du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à Internet,
Vu le rapport d’information n° 900 (2021-2022) « Porno : l’enfer du décor », de Mmes Annick BILLON, Alexandra BORCHIO FONTIMP, Laurence COHEN et Laurence ROSSIGNOL, fait au nom de la délégation aux droits des femmes du Sénat, déposé le 27 septembre 2022,
Considérant que l’industrie de la pornographie a connu une mutation au milieu des années 2000 avec l’apparition de plateformes de diffusion massive en ligne de contenus majoritairement gratuits et libres d’accès ;
Considérant que les vidéos pornographiques représentent aujourd’hui plus d’un quart de tout le trafic vidéo en ligne dans le monde ;
Considérant que l’exploitation et la marchandisation du corps et de la sexualité des femmes sont devenues une industrie à l’échelle internationale qui génère plusieurs milliards d’euros de profits chaque année ;
Considérant que la consommation de contenus pornographiques est banalisée ; Considérant que les contenus pornographiques sont aujourd’hui accessibles à toutes et à tous, sans aucun contrôle de la preuve de majorité des internautes, en violation du code pénal ;
Considérant que deux tiers des enfants de moins de quinze ans et un tiers des enfants de moins de douze ans ont déjà eu accès à de tels contenus ;
Considérant la toxicité pour les consommateurs, mineurs comme majeurs, de contenus pornographiques de plus en plus violents ;
Considérant que ces contenus véhiculent des représentations sexistes, racistes, homophobes, constitutives d’infractions pénales ;
Considérant la dimension systémique des violences sexuelles, physiques et verbales à l’encontre des femmes dans le milieu de la pornographie ;
Considérant que les diffuseurs, plateformes comme réseaux sociaux, ignorent sciemment leurs responsabilités ;
Considérant que les nombreux contenus illicites publiés ne sont jamais intégralement supprimés, même après leur signalement ;
Considérant que la pornographie est un lieu d’apprentissage de la sexualité par défaut, qui engendre une vision déformée et violente de la sexualité, des traumatismes, une sexualisation précoce et un développement de conduites à risque;
Considérant que les violences commises dans un contexte de pornographie ont récemment fait l’objet d’un traitement judiciaire en France, dans le cadre d’instructions pénales ;
Appelle à une prise de conscience collective de la réalité des pratiques de l’industrie pornographique et de leurs conséquences ;
Souhaite faire de la lutte contre les violences que cette industrie génère et véhicule une priorité de politique publique et pénale ;
Invite à cette fin le Gouvernement à mettre en œuvre un plan interministériel de lutte contre ces violences ;
Appelle à la sensibilisation des juridictions et, en premier lieu, des parquets au traitement pénal des violences commises dans un contexte de pornographie ;
Apporte son soutien à toutes les victimes de ces violences et aux associations et aux conseils qui les accompagnent ; Estime nécessaire de mieux informer, accueillir et protéger les victimes de violences commises dans un contexte de pornographie, en particulier en formant les forces de l’ordre et les intervenants du numéro national 3919 à leur écoute afin de favoriser l’émergence de plaintes ;
Appelle de ses vœux un renforcement de l’arsenal pénal, des effectifs et des moyens matériels à disposition des services enquêteurs et des magistrats afin de lutter contre les violences pornographiques et d’empêcher la diffusion de contenus violents illicites ; Recommande de créer une catégorie « violences sexuelles » sur la Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos) afin de faciliter et de mieux comptabiliser les signalements ;
Invite le Gouvernement à explorer toutes les mesures fiscales permettant de taxer l’activité de l’industrie pornographique et les milliards d’euros de profits qu’elle génère chaque année ;
Appelle à protéger la jeunesse en bloquant tout site ou réseau proposant des contenus pornographiques sans exiger une preuve de majorité des utilisateurs et en imposant l’affichage d’un écran noir tant que ce contrôle n’a pas été effectué ;
Invite l’Agence de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) à publier des lignes directrices définissant des critères exigeants d’évaluation des procédés techniques de vérification de l’âge des utilisateurs, afin d’encourager le développement de tels dispositifs ;
Recommande de doter l’Arcom d’un pouvoir de police administrative lui permettant de prononcer des amendes dissuasives à l’encontre des sites diffusant des contenus pornographiques sans contrôle de l’âge des utilisateurs ;
Plaide pour une généralisation des dispositifs de contrôle parental et de navigation sécurisée, qui pourraient être activés par défaut dès lors qu’un abonnement téléphonique est souscrit pour l’usage d’un mineur ;
Encourage l’organisation de campagnes de communication destinées à sensibiliser les parents comme les professionnels de l’éducation et de l’enfance aux dangers du numérique et à les informer sur les ressources et les outils disponibles ;
Alerte sur la nécessité d’appliquer les trois séances annuelles d’éducation à la vie affective et sexuelle prévues par la loi depuis 2001, dans l’enseignement primaire et secondaire ;
Estime nécessaire d’aborder lors de ces séances les sujets relatifs à la marchandisation des corps et à la pornographie ;
Juge indispensable de recruter des professionnels de santé, formés en matière d’éducation à la santé et de conduite de projet, dans les établissements scolaires ; Invite enfin le Gouvernement à se saisir des recommandations du rapport sénatorial précité sur l’industrie de la pornographie, dans leur dimension interministérielle, et à tout mettre en œuvre pour que cessent les violences systémiques induites par les pratiques de cette industrie.
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