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Négation du génocide arménien: ne déconstruisons pas l'Histoire, assumons-là !

« Si l’humanité avait eu conscience du premier génocide du siècle, elle aurait peut-être mieux perçu les signes annonciateurs qui ont précédé le déferlement de la folie hitlérienne sur un monde pris de court. ». Bouleversants, ce sont les mots choisis par Desmond Mpilo Tutu, prix Nobel de la Paix en 1984, pour interpeller les gouvernants sur l’importance d’étudier et de reconnaître le génocide arménien.


En ce jour de célébration de la journée internationale de commémoration du génocide arménien, il est plus que jamais nécessaire de se souvenir que « l’histoire est un perpétuel recommencement » (Thucydide). Face à ces crimes, notre horreur doit être telle qu’elle animera notre désir, notre passion, ou mieux, éveillera enfin notre raison, pour agir et faire que de tels actes ne se reproduisent plus jamais.


L’année 1998 constitue une année importante, au sens où la représentation nationale s’est enfin pleinement saisie de cet enjeu pour y apporter une réponse concrète. C’est en effet cette année là qui place le débat au centre de la scène nationale, avec comme argument certes simple mais immuable que le pays des droits de l’homme – dont les valeurs forgent l’universalisme – refuse l’immobilisme. Mais la position des autorités françaises reste pusillanime sur la question. Si la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915, adoptée par l’Assemblée nationale le 18 janvier 2001 marque un tournant décisif et consacre la reconnaissance publique du génocide arménien de 1915 par l’Etat français, elle ne fait guère plus. De par son caractère purement déclaratif, elle reconnait l’existence de ce génocide mais ne permet en aucun cas de sanctionner tous comportements négationnistes envers celui-ci. Et c’est en ça qu’elle se distingue sans raison a priori valable du délit de négationnisme prévu par la loi Gayssot de 1990 quant au génocide de la Shoah.


En 2012, une nouvelle étape était actée mais pas franchie. En effet, la loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi a fait l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel quant à la possibilité de réprimer les actes de contestation ou de minimisation de l’existence d’un ou plusieurs crimes de génocide reconnus comme tels par la loi française. Loin d’être acceptée avec fatalisme, cette décision ne peut être comprise comme un refus dogmatique d’avancer sur le sujet, et donc pour l’Histoire. Si la liberté de la presse a fait barrage à son adoption, l’actualité nous rappelle à nos devoirs. Il faut évidemment instruire, certainement expliquer puis inévitablement sanctionner lorsque cela se justifie.


En effet, la multiplication des revendications négationnistes au sein de l’école de la République apparaît comme une circonstance de fait nouvelle qui justifie que soient désormais prises des décisions à la hauteur des enjeux sociétaux contemporains. Alors que le nombre de signalements aux inspecteurs généraux d’histoire-géographie ne fait qu’augmenter ces dernières années, Alban Perrin, responsable des formations des professeurs sur l’histoire des génocides déclare : « quand on leur demande s’ils ont déjà fait face à des contestations d’un génocide, c’est celui des Arméniens qui vient en premier, alors que celui de la Shoah est rarissime. »


Ainsi, retranscrire ce délit dans notre droit positif c’est éviter l’augmentation exponentielle des contestations du génocide arménien – encouragées par des associations reconnues pour leurs liens avec Ankara – de la part d’élèves mais aussi et surtout de parents.

Alors qu’en France, il est désormais « interdit de nier, minorer ou banaliser de façon outrancière tout crime de génocide, crime contre l’humanité, crime de guerre, crime de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage si ce crime a donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou internationale », le négationnisme qui vise le génocide des Arméniens, est le seul qui échappe encore à l’incrimination.


Par voie de conséquence, ma proposition – loin de vouloir réveiller de quelconques animosités – vise au contraire à les apaiser. De la même manière qu’il est défendu de minimiser outrancièrement la rafle du Vélodrome d’hiver, je souhaite que la loi puisse dorénavant permettre de réprimer également le délit de négationnisme pour le génocide arménien. Connaissant la vertu de patience que requiert un sujet géopolitique aussi sensible, il devient urgent d’interdire a minima d’affirmer que le génocide des Arméniens soit considéré comme un épisode mineur de la Première Guerre mondiale.

Ne pouvant me résoudre à assister à la conquête progressive et idéologique des ennemis de la République, je refuse de leur concéder nos plus chères libertés. La France ne peut permettre qu’une minorité d’individus tentent de remodeler l’histoire pour diaboliser les victimes et réhabiliter les auteurs.


Soyons obstinés, assumons l’Histoire plutôt que de ne la nier ou de la déconstruire. Cet inquiétant flou juridique nous oblige en tant que législateur, en tant qu’être humain. Introduire ce nouveau délit dans la loi permettra de rendre justice aux victimes tout en permettant aux descendants des coupables de retrouver la paix. Il y a quelques jours à peine, une proposition de résolution visant à la libération des prisonniers de guerre arméniens et au rapatriement des corps des défunts à leurs proches a été déposée par trois de mes collègues sénateurs. Illustrant avec force la permanence de notre combat à incarner les valeurs humanistes héritées du siècle des Lumières, j’ai bien évidemment décidé de la cosigner.


Mes collègues parlementaires et moi-même serons donc présents pour cette fois ne pas rater ce rendez-vous avec l’Histoire.


Il est grand temps de poser la pierre fondatrice d’une réconciliation durable des peuples !


Alexandra BORCHIO-FONTIMP


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