Harceler tue ! Deux verbes côte à côte pour désigner ce phénomène dramatique qui traduit un mal français : un laxisme sans précédent face à un fléau de société qui tue. Le harcèlement touche en France un million de jeunes chaque année, c’est-à-dire un jeune sur dix, qui sont autant de citoyens. Et c’est lorsque que l’enfant apprend à grandir à l’école primaire, dans sa fragilité, qu’il est davantage concerné. Dès la socialisation naît le rejet. Suicide ou homicide ? On ne sait jamais comment qualifier l’acte d’un enfant qui se donne la mort car poussé à bout par leurs camarades, que ce soit dans le cadre éducatif ou par le biais des nouvelles technologies et des réseaux sociaux. L’École est ce lieu où la société a décidé de confier à des adultes la transmission de valeurs, de savoirs, de savoir-vivre et de savoir-faire à ses enfants. Aller à l’école ne doit jamais devenir une contrainte émotionnelle, mortifère, qui ne laissera que des séquelles voire des stigmates chez ceux qui ont été victimes de harcèlement. Comment ne pas être choqué lorsque l’on sait que l’enfant harcelé, et donc brisé dans sa construction identitaire, doit quitter son école tandis que celui qui a fait du mal, peut y rester impunément ? Impunité qui les mène à reproduire leurs actes de victime en victime, à ne pas comprendre et mesurer l’impact et la gravité de leurs agissements. Et n’oublions pas les témoins qui peuvent être traumatisés par la violence qu’ils ont observée et peuvent développer un sentiment d’impuissance. L'École a bien évidemment un rôle à jouer dans la lutte contre le harcèlement, mais c’est avant tout l’éducation que l’on donne à son enfant qui va déterminer la personne qu’il sera envers les autres. Au Sénat, la mission d’information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement estime qu’il est temps de détecter et traiter ce fléau, autour de ce qui doit constituer désormais une grande cause nationale. Faisons-le pour les parents de Lucas dans les Vosges ou encore pour les parents d’Ambre dans la Drome. Pas pour leurs propres enfants puisque c’est déjà trop tard. Ils ont préféré mettre fin à leur calvaire en se donnant la mort parce que notre pays n’a pas su les écouter ni les protéger. Nous devons donc aller plus loin dans la prévention et la formation auprès des acteurs de l’Éducation nationale et des familles. Malgré les avancées de la loi du 2 mars 2022 et du programme Phare, de tels drames en 2023 traduisent un terrible échec collectif, une injustice inacceptable. L’autorité judiciaire doit faire de la lutte contre le harcèlement scolaire une priorité de sa politique pénale afin de se saisir de la nouvelle infraction définie. Les signalements doivent être pris au sérieux. Le harcèlement scolaire ne doit plus être considéré comme une histoire entre gamins qui aide à grandir. A Menton, dans les Alpes-Maritimes, Ana, « n’en peut plus d’aller au collège chaque matin avec la boule à ventre ». Et ça fait 6 mois que ça dure ! Ainsi, il est primordial de lever le voile sur ce phénomène et d’oser en parler car on aura beau mettre en place tout un arsenal de mesures, si les gens ne veulent pas voir alors tout cela ne servira à rien. Enfin je veux saluer toutes les personnes qui s’engagent au quotidien dans la lutte contre ce fléau. Leur engagement est essentiel pour que nous puissions avancer ensemble dans la bonne direction avec comme seul et unique objectif l’intérêt de l’enfant. Pour que l’enfance ne rime plus jamais avec violence.
ALEXANDRA BORCHIO FONTIMP
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